Samuel Bianchini et Ianis Lallemand, 2019
Un projet de Samuel Bianchini et Ianis Lallemand élaboré dans le cadre du groupe de recherche Reflective Interaction d’EnsadLab (le laboratoire de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs, Université PSL, Paris) avec le soutien de la Chaire Art & Sciences de l’École polytechnique, de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs – PSL et de la Fondation Daniel et Nina Carasso.
Ce projet a été initié dans le cadre de l’atelier « Data Materia » du symposium « Useful Fictions ». Il avait pour but de matérialiser et de concevoir des prototypes et des installations basés sur des ensembles de données (comme celles de la climatologie) afin de créer de nouveaux récits sur notre empreinte et d’explorer de nouvelles dimensions dans nos liens. La première édition de ce projet a été réalisée en collaboration avec les participants de l’atelier « Data Materia » : Jiayi Young, Filippo Fabbri, Jeanne Bloch, Jacklyn Brickman, Elín Margot, Raphaelle Kerbrat.
Lors de conférences et autres formes de débat public, l’agencement du mobilier influe sur les manières de prendre la parole. Ainsi, les tables rondes sont elles propices à l’échange. Mais, que se passerait-il si les tables distribuaient elles-mêmes la parole ? Changeant de forme suivant les mots échangés et les personnes qui les prononcent, ce mobilier deviendrait ainsi un des acteurs centraux du débat. Interrogeant les rapports fondamentaux entre le verbe et la matière, un tel projet appelle une mise en œuvre qui peut faire coïncider deux formes de tables : les tables comme mobilier et les tables de calcul, tableaux de signes rendus ainsi calculables. C’est cette mise en relation opératoire que nous cherchons alors à explorer ici en ayant recours à un tableau de mots-clés dont, dans un premier temps, les poids varient suivant l’intérêt que chaque participant au débat leur donne, puis, en temps réel, suivant leur intégration dans les paroles échangées.
La table est quadrillée par des cellules rectangulaires déformées, chacune associée à un mot-clé. L’emplacement des mots-clés dans la grille est calculé pour correspondre aux sièges des invités qui les ont proposés, afin que chaque participant à la discussion soit assis « en face » de son propre mot-clé. Initialement, la grille de mots-clés ressemble aux représentations graphiques des données tabulaires dans les logiciels de productivité de bureau. Au fur et à mesure que la discussion progresse autour de la table, les mots-clés reçoivent du poids en fonction de leur fréquence d’utilisation. Un algorithme met ensuite à l’échelle les cellules et les déforme en fonction des poids des mots, ce qui provoque un ajustement paramétrique de la forme de la table.
Cinq maquettes imprimées en 3D seront présentées à l’exposition, montrant les différents états de la table déformée. Un prototype de table dynamique en taille réelle pourrait être réalisé grâce à l’utilisation d’un maillage d’actionneurs linéaires ou hydrauliques, reliés entre eux par des joints à rotule permettant une libre amplitude de mouvement dans le plan horizontal. Cette configuration mécanique permet aux cellules du tableau de se développer librement et de mettre à jour la forme de la table en temps réel. Le poids des mots-clés pourrait être calculé par un système d’apprentissage automatique effectuant la reconnaissance et l’analyse des mots des invités.
Crédits :
Conception informatique : Ianis Lallemand
Remerciements : Aline Becq, Gwenaëlle Lallemand, Steven Lucero, Gareth Paterson, Julie Sauret, Jiayi Young.