Un axe de recherche & création du Groupe Reflective Interaction d’EnsadLab
Comment et pourquoi chercher et mettre en œuvre de nouveaux matériaux actifs, réactifs, contrôlables voire vivants, permettant l’interaction, en prenant en compte leur puissance symbolique et, dans certains cas, leur capacité à produire des représentations (image, son, lumière) ?
Concevoir de nouvelles relations entre matière, forme et information doit, non seulement, permettre d’élaborer de nouveaux matériaux sensibles à leur environnement, mais aussi d’appréhender à nouveaux frais nos rapports à la matière même. Ainsi, il ne s’agit plus de penser cette dernière comme une entité inerte qu’il s’agirait de former ou d’informer, mais bien de la considérer comme une sorte de partenaire dont il faut prendre en compte la puissance d’agir. C’est avec cette double approche, pratique et prospective, en même temps que réflexive et fondamentale – pour ne par dire, écologique – que l’on cherche à mettre en œuvre de nouveaux matériaux en considérant leurs processus opératoires selon leurs dimensions autant physiques, esthétiques que symboliques. S’il s’agit alors d’élaborer de nouvelles conditions pour l’interaction, nous pouvons désormais envisager de réaliser des dispositifs interactifs non médiés par un système numérique ou, sinon, en repensant radicalement la place et le rôle de l’information. Ainsi, la chimie et/ou la microstructure même des matériaux ne peuvent-elles pas tenir lieu d’in-formation, surtout lorsqu’elles contiennent, en puissance, une capacité à transformer cette matière en réponse à son environnement ? C’est ainsi que nous abordons le passage de l’impression 3D à la 4D, afin de réaliser des matériaux composés et/ou structurés de façon à ce qu’ils comportent des processus potentiels, des capacités d’action et de réaction après l’impression. Plus fondamentalement encore, nous tenons à prendre en compte l’« intelligence naturelle » de la matière en regard de celle dite « artificielle ». En effet, comment prendre en considération et coopérer avec certains matériaux qui ont des capacités d’adaptation et qui s’approchent alors du vivant, quand ils n’en font pas partie, tant les frontières du vivant sont incertaines aujourd’hui, surtout à toute petite échelle ?
Dès lors, intégrer, adapter ou concevoir de nouveaux matériaux pour des dispositifs interactifs oblige à repenser nos rapports à la matière et notre relation à l’environnement et à faire dialoguer deux paradigmes : d’une part, la volonté de contrôle par le verbe (programmation), par le symbolique, propre à l’homme, selon une vision quelques peu descendante (top-down) dont l’informatisation croissante de nos mondes est l’expression – tout comme l’est la prétention de l’intelligence artificielle – et, d’autre part, une pensée davantage encorporée, partant des corps, de la matière et de son agentivité.
L’axe Responsive Matter est ainsi fondé sur une approche particulièrement pluridisciplinaire : au croisement de la création artistique relevant des arts et du design, des sciences de la matière et de la vie, des technologies informatiques et électronique ainsi que des sciences cognitives.